L’arrêt Ville de Castelnaudary rendu par le Conseil d’État en 1937 est une décision de principe qui fait encore autorité aujourd’hui en matière de compétences des maires en termes de pouvoirs de police. Cet arrêt historique a posé des limites claires à la possibilité pour les municipalités de déléguer l’exercice de leurs pouvoirs de police à des organismes privés.
Une délégation illégale des pouvoirs de police rurale par la ville
En 1929, le conseil municipal de Castelnaudary avait souscrit un abonnement auprès d’une fédération privée de chasse, pêche et agriculture pour que l’un de ses gardes surveille de façon intermittente les propriétés rurales de la commune. Le préfet de l’Aude avait annulé cette délibération, estimant qu’elle excédait les pouvoirs du conseil municipal. Le maire avait alors saisi le Conseil d’État pour excès de pouvoir.
Bon à savoir : Les pouvoirs de police rurale permettent notamment au maire de réglementer la divagation des animaux sur le territoire de la commune.
Le rappel d’un principe intangible par le Conseil d’État
Dans sa décision du 17 juin 1937, le Conseil d’État a rappelé avec force qu’en matière de police, seuls des agents sous l’autorité directe de l’administration pouvaient en exercer les prérogatives. Déléguer le service de la police rurale à une fédération privée était donc illégal. L’arrêt Castelnaudary a ainsi posé le principe essentiel de l’interdiction pour les communes de déléguer leurs pouvoirs de police à des personnes morales de droit privé.
Par exemple, un maire ne pourrait pas confier à une société de sécurité privée la surveillance du bon ordre dans sa commune. Il s’agirait d’une délégation illégale de ses pouvoirs de police administrative générale.
Une jurisprudence fondatrice toujours invoquée
Près d’un siècle plus tard, l’arrêt Castelnaudary reste une référence. La jurisprudence ultérieure s’est appuyée sur cette décision pour interdire par exemple les délégations en matière de vidéosurveillance ou de contrôle du stationnement. Dans les années 2000, le Conseil constitutionnel s’est référé expressément à l’arrêt de 1937 pour réaffirmer le principe selon lequel les communes ne sauraient déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale.
Des limites à ce principe aujourd’hui
Néanmoins, cette prohibition des délégations des pouvoirs de police municipale connaît certaines limites. Ainsi, le recours à des sociétés privées est possible si la collectivité conserve un pouvoir de contrôle et de sanction. De même, les polices municipales peuvent coordonner leurs actions avec des opérateurs privés, sous réserve que le maire conserve la direction des opérations. L’équilibre entre libre administration des communes et encadrement étatique reste donc une ligne de crête.
Témoignage : « En tant que maire d’une petite commune, je suis confronté régulièrement à des questions sur l’étendue de mes pouvoirs de police. L’arrêt Castelnaudary reste une référence essentielle pour savoir ce que je peux déléguer ou non à des prestataires privés en matière de sécurité publique par exemple. »
Près de 90 ans après sa publication, l’arrêt fondateur du Conseil d’État dans l’affaire de la ville de Castelnaudary reste donc une référence majeure, même si son application a pu s’assouplir à la marge. Le principe selon lequel les pouvoirs de police administrative générale échappent à toute délégation demeure un pilier essentiel de la jurisprudence administrative française.